A year without winter

Nous sommes le 13 décembre 2022. Je peux commencer un bilan, mais en fait, à part les quatre derniers mois, j’ai passé l’essentiel de 2022 en pilote automatique, entre crises d’hyperphagie, journées entières passées au lit, et quelques moments de grâce, au cinéma, au concert, avec les copains, qui rendaient la vie supportable. Ce n’est que depuis la rentrée de septembre que je suis sorti de mon hibernation.

Voir là date s’afficher me rappelle aussi là ou j’en étais il y a un an, et me rassure : il y a un an, je prenais deux semaines de congés après être replongé dans un état dépressif sévère. Je ne me nourrissais que mal et trop ou trop peu, je me sentais bloqué, et ma mère avait refusé de me soutenir alors que je devais absolument changer de travail avant de câbler complétement. Après seulement quelques jours de repos, j’étais retombé dans mes travers, mais au moins, je me souvenais que la vie c’était aussi autre chose. Je m’étais promis de couper au maximum les ponts avec ma mère, c’est en cours de route.

Et nous sommes en décembre 2022 et j’ai passé le pire, je me sens presque renaître depuis quelques mois. Je crois qu’en fait, comme je l’ai écrit plus tôt, malgré mon impression d’être un imposteur auprès de gens bien plus talentueux et cool que moi, j’ai réussi à me poser. Non, je ne sais rien faire, je ne suis pas si drôle, je suis un weirdo et ça me va complétement. Je suis un jeune adulte smicard qui essaie de conjurer l’absurdité de la vie et le vide existentiel par le fait de me tenir occupé, ne jamais renoncer à ce que j’ai envie de faire juste par flemme. Les peintres impressionnistes, la musique et les rires autour d’un verre sont des murailles.

Ça faisait depuis mon année de césure, en 2018-2019 je crois, que je n’avais pas ressenti ça, que je n’avais pas repoussé les démons aux portes et que je n’avais plus autant croqué la vie à pleines dents. Non pas que je sois autant en mode carpe diem, mais au contraire que j’arrive à atteindre une stabilité physique, émotionnelle. Je me suis enfin remis à lire même si je n’en ai pas assez le temps, à mon grand regret. J’ai perdu du poids même si je déteste toujours autant qu’on me le fasse remarquer (il n’y a pas de pire facteur de démotivation). Je me suis enfin mis à regarder davantage de films, désacralisant l’expérience cinématographique. Je me plonge dans tous ces disques de 2022 que j’ai laissé de côté, et tous me font jubiler tant ils sont émouvants et magnifiques.

J’ai aussi envie de partir ailleurs pour la première fois depuis longtemps, alors que j’ai toujours pensé (et je pense encore) que le voyage est un fétiche bourgeois : entendre quelqu’un me dire qu’il aimait voyager, c’était pour moi un gros red flag. Mais je vois l’Italie dans les films de Nani Moretti, je repense à mon séjour un peu manqué en Grèce, je pense à mes amis qui vivent désormais en Bulgarie. Peut-être que la dernière chose que je dois supporter, dans ma condition de petit esthète smicard, c’est de ne jamais voir le monde. Un jour, peut-être, dans une autre vie ?