Leave 2023 Free
Une année de tragédies et de beauté, de rire et de sidération. Pour moi, 2023, ça a surtout été tout ça.
Highlights
J’ai été ému par l’actualité, je me suis investi dans le mouvement contre la réforme des retraites en début d’année, et je suis peut-être sur le point de m’engager syndicalement. On verra. Ce fut aussi l’occasion d’un petit voyage en Bulgarie (le dépaysement fut total : jamais je n’avais voyage aussi loin), du détour annuel à Blois pour les Rendez-vous de l’Histoire, et d’un séjour aux Pays-Bas pour le Guess Who.
Mais surtout c’est la première fois depuis au moins avant le covid que je passe une vraie année de vie, à ressentir intégralement les stimulis du monde, sans jamais disparaître. Jamais je ne suis allé à tant d’expos, ne suis allé à tant de concerts, n’ai écouté tant de musique, vu tant de films et lu tant de livres – pas forcément des trucs de 2023, d’où le fait que j’ai skip la catégorie livres, n’ayant lu qu’un livre sorti cette année. Dans les tous derniers jours de l’année, j’ai supprimé la plupart de mes réseaux sociaux.
Pour 2024 je ne souhaite rien d’autre que la fin des guerres impérialistes et des dictatures fascistes, faire du jogging tous les deux jours et me mettre à la guitare.
Exposition de l’année : Ouvrir l’album du monde (Musée du quai Branly)
Pas tout à fait – pas seulement – une histoire mondiale, Ouvrir l’album du monde se voulait plutôt une histoire à part égales de la diffusion de la photographie. Une histoire à part égales, dans les mots de Patrick Boucheron décrivant la démarche de Romain Bertrand, ce n’est pas seulement faire l’histoire des deux côtés, mais c’est bien faire usage des mêmes documents des deux côtés. Voilà donc le pari de l’expo, sortir du modèle du blanc civilisateur, montrer la dignité des modèles, exposer les photographes de cour du Siam comme acteurs d’une mondialisation au même titre que des ethnologues britanniques ou français. Éthiquement et scientifiquement impeccable, on croise aussi dans l’expo des centaines de photographies absolument somptueuses. Il faudra que j’achète le catalogue.
Mentions honorables : De Pari et Nulle Part Ailleurs à l’ouverture de la très attendue collection permanente, le Musée de l’histoire de l’immigration du Palais de la Porte Dorée a été le musée où je suis le plus allé cette année (j’ai une pensée particulière pour les collègues qui y travaillent). Dans un tout autre genre, Guimet reste mon musée parisien préféré, et a accueilli cette année une expo exceptionnelle, Hiroshige et l’éventail, où on a pu admirer des estampes prodigieuses et rarissimes du Maître.
Film de l’année : Laura Poitras – Toute la beauté et le sang versé
J’ai un faible pour les films qui s’autodétruisent. Ceux qui ne révèlent tout qu’à la fin, qui se déconstruisent au fur et à mesure. Toute la beauté et le sang versé (All the Beauty and the Bloodshed, Lion d’Or 2022) fait partie de ces films. Je ne savais presque rien du film de Laura Poitras, si ce n’est son titre et qu’il y était question de la photographe Nan Goldin (que je ne connaissais que de nom). Le film est une tempête, entre biographie, documentaire sur la contre-culture, et hommage à une certaine vision du monde. C’est un film sur celles et ceux qui veulent conserver leur dignité, et la rendre à celles et ceux qui n’en ont plus. Un film de revanche sur un monde intolérant, oppressant, raciste, homophobe et injuste. Un des plus beaux documentaires que j’ai vu.
Mentions honorables : Tàr, film compliqué dont j’avais déjà parlé, reste une de mes expériences de cinéma les plus jubilatoires de l’année, tandis que Nanni Moretti a réussi à m’émouvoir à nouveau avec un réjouissant Vers un avenir radieux un peu incompris de la critique. Et dans The Fabelmans, Spielberg est toujours beaucoup trop fort.
Concert de l’année : Yo La Tengo au Trianon, 27 avril
Leur nouvel album avait beau être une petite tuerie, je ne pouvais pas m’attendre à l’immensité et la beauté de ce concert, divisé entre deux sets complémentaires et pourtant antagonistes, d’une élégante douceur pour le premier, de bruit et de fureur pour le second. En tout, plus ou moins deux heures, deux heures où toute la discographie est revisitée, de long en large, et de toutes les manières possibles et imaginables. La salle était conquise. J’ai été bouleversé.
Mentions honorables : Young Fathers à l’Élysée Montmartre ont été à la hauteur de leur réputation avec un set court, sans rappel, mais d’une intensité rare. Je retiendrais aussi un set somptueux de Dick Slessig Combo à la Bourse de Commerce, tout en ritournelles americana, et le Guess Who a été dominé par The Phantasmagoria of Jatilhan, Nihiloxica et Stereolab.
Album de l’année : Daniel Blumberg – Gut
Daniel Blumberg avait commencé dans l’indie rock conventionnel. Il persiste aujourd’hui dans une musique libre, expérimentale, effarante d’inventivité et de beauté. Gut est un album intime, traitant de sa souffrance face à une maladie intestinale qui le détruit. J’ai déjà beaucoup encensé Daniel Blumberg ici, parce que c’est mon artiste préféré en activité, je me contenterais donc de dire qu’il est l’héritier de Mark Hollis.
Mentions honorables :
En vrac : Lankum – False Lankum, Yo La Tengo – This Stupid World, Ana Frango Elétrico – Me chama de gato que eu sou sua, Mayssa Jallad – Marjaa: The Battle Of The Hotels, Paul St. Hilaire – Tikiman Vol.1, Brighde Chaimbeul – Carry Them With Us, dragonchild – dragonchild, Zach Bryan – Zach Bryan, Maya Ongaku – Approach to Anima, Charbel Haber & Fadi Tabbal – Enfin la Nuit, Matt Elliott – The End Of Days, dragonchild – dragonchild, ANOHNI and the Johnsons – My Back Was a Bridge for You to Cross, Faten Kanaan – Afterpoem
Rééditions, archives et compilations : V/A – Tokyo Riddim 1976-1985, Acetone – I’m still waiting., Les Abranis – Amazigh Freedom Rock 1973-1983, Emahoy Tsegué-Maryam Guèbrou – Jerusalem
Que vive la Palestine !