Leave 2022 Free

Année de merde ! 2022 aura pourtant été l’année où j’ai appris à revivre, où j’ai trouvé l’équilibre et où je commence à être ce que je veux être.

Une année de belles choses, aussi. Les voici.

FILM DE L’ANNÉE

Pacifiction : Tourment sur les Îles (Albert Serra)

Un haut commissaire de la République en Polynésie Française est complétement déboussolé face à l’invraisemblable rumeur de la reprise des essais nucléaires dans le Pacifique. S’ensuivent trois heures de cinéma. Distribué dans seulement une soixantaine de salles en France, Pacifiction a survolé son exploitation comme il a survolé Cannes, sans escales. Derrière son intrigue de thriller politique, un film apocalyptique, drôle et immensément sombre à la fois, qui offre à Benoit Magimel le meilleur rôle de sa carrière et transforme Tahiti en jungle conradienne.

Mentions honorables : Trois mille ans à t’attendre (George Miller) qui aurait mérité un bien plus grand succès, le sublime Godland (Hlynur Palmason).

LIVRE DE L’ANNÉE

Les trente inglorieuses. Scènes politiques (Jacques Rancière)

Compilation de quelques textes brillants, de 1991 à aujourd’hui, de la grève de 1995 à la crise du Covid-19 en passant par la canicule de 2003, Les trente inglorieuses est autant un grand livre politique qu’une excellente introduction à la pensée de Rancière. Alors que ces textes, souvent des manifestes publiés dans la presse, pourraient être périmés depuis, ils offrent au contraire de brillantes clés de compréhension de notre présent.

Mentions honorables : Le passionnant Une Armée Noire de Pauline Peretz a été ma lecture la plus mémorable de l’été, et je triche avec l’hallucinant Tous Ceux Qui Tombent de Jérémie Foa sorti en 2021, une histoire “au ras du sol” du massacre de la Saint-Barthélémy doublée d’une véritable réfléxion sur l’écriture de l’histoire.

SÉRIE DE L’ANNÉE

Severance (Dan Erickson)

Severance est une anomalie. On a du mal à croire qu’une série aussi ambitieuse puisse sortir sur la petite case ridicule de Apple TV+. Et pourtant, cette histoire étrange d’employés de bureaux séparant littéralement leur vie privée de leur vie professionnelle est un monstre, c’est magnifique, émouvant, subtil et passionnant. Avec, en filigrane, une critique brillante des sociétés post-fordistes, du monde corporate et de la bureaucratie.

Mentions honorables : 1883, prequel de Yellowstone, est probablement une des plus grandes réussites de l’année malgré son classicisme assumé, et la dernière saison de Better Call Saul est forcément grandiose.

TOP 10 MUSIQUE

10. Sea PowerEverything Was Forever

Qui aurait pu attendre quoi que se soit d’un groupe que tout le monde avait oublié ? Everything Was Forever est un album d’indie rock irréprochable, brillant, épique et cathartique. Tout simplement leur meilleur album.

9. Ezra CollectiveWhere I’m Meant To Be

Héros d’une scène jazz londonienne qui fait – à juste titre – couler beaucoup d’encre, Ezra Collective ont sorti un des disques les plus impressionnants de l’année. Entre jazz fusion, dub, afrobeat, des moments de grâce et de joie pure.

8. Akusmi Fleeting Future

Cocorico ! Le français Pascal Bideau est l’auteur, sous le nom Akusmi, d’une des réussites les plus improbables de l’année : une synthèse de jazz contemporain, de musique contemporaine répétitive, de gamelan et d’une couche de musique électronique à la Four Tet. Jubilatoire et brillant.

7. Claire Rousayeverything perfect is already here

Que dire d’un disque pareil ? D’un disque où tout compte, surtout le silence ? Où les détails sont ce qui compte le plus ? Qui ressemble à des souvenirs ? Il ne faudrait rien dire, si ce n’est que j’avais envie de chialer au bout de trois minutes. Une merveille.

6. Gilla BandMost Normal

Il aura fallut dix ans à Gilla Band pour accomplir leur potentiel. Mais le jeu en valait la chandelle : Most Normal est un album délirant, un mastodonte qui parvient à aller plus loin que bien des groupes sans donner l’impression de se forcer. Peut-être le meilleur groupe de noise rock actuel.

5. Kali Malone – Living Torch

Délaissant l’orgue à pompe pour les synthétiseurs modulaires, Kali Malone a produit au sein du GRM un album mutant, magnifique et passionnant. Un des albums que j’ai le plus écouté cette année.

4. Caroline caroline

Un album que j’ai failli laisser de côté, ce qui aurait été une grossière erreur : le premier album de Caroline est tout simplement somptueux, osant faire ce que d’autres groupes n’osent pas faire, en laissant entrevoir une fragilité, une hésitation qui rend chaque chanson absolument désarmante. Le début, je pense, d’un grand groupe.

3. Brian Eno FOREVERANDEVERNOMORE

J’ai déjà écrit sur cet album, qui en a laissé de marbre beaucoup, mais j’insiste : cet album est un des chef-d’œuvres de Brian Eno. Ni plus ni moins.

2. One Leg One Eye…And Take the Black Worm With Me

Projet solo de Ian Lynch (Lankum), …And Take the Black Worm With Me n’est pas l’album le plus “facile” de cette liste. Mais derrière ces drones inquiétants se cachent des chansons d’une beauté et d’une grandeur désarmantes, des chansons oubliées du répertoire folk irlandais réintégrées dans le siècle. Impressionnant.

1. Big ThiefDragon New Warm Mountain I Believe in You

J’ai découvert Big Thief par l’intermédiaire des projets solo de deux membres du groupe, Buck Meek et Adrianne Lenker. Ce nouvel album apparaît alors comme l’héritier logique de ces deux escapades solo : un hommage appuyé (mais pas trop référencé) à la tradition de la chanson folk américaine, mais avec une sensibilité, une émotion que les autres n’ont pas.

Dragon New Warm Mountain I Believe in You n’est pas seulement un disque fabuleux, que je qualifierais pour peu de parfait : c’est un album généreux, long mais où rien ne semble superflu, dont chaque chanson peut être lue à bien des degrés et peut être disséquée sous tous les angles. Mon disque de l’année, direct.