Tying up loose ends, journal de vacances

Ces quelques jours pourraient durer l’éternité : je vois les vacances d’autres et ce n’est pas très sexy de passer quelques jours à Lille, mais je ne suis pas ambitieux ni exigeant. J’aime sortir, boire, lire et marcher, et si je peux vivre ça dans un paysage dégoutant, ça me suffit amplement. Depuis quelques jours je suis donc sorti, j’ai bu, j’ai lu et j’ai marché. J’ai aussi vu des films, les premiers que je regarde depuis des mois. Je vais regarder plus de films. J’ai une peur maladive de l’ennui, surtout en vacances, et rien ne tue davantage l’ennui qu’un film de Johnnie To ou de Tsui Hark.

Je n’avais pas foutu les pieds à Lille depuis un an et je ressens le plaisir de connaitre cette ville presque par cœur mais dont je ne suis plus un habitant, après des années à n’y être que par brèves intermittences. Je me souviens du nom des rues, je sais où est la librairie Meura où je n’étais pourtant jamais allé (j’y ai acheté deux livres d’histoire, cette fois-ci), je rentre dans des bars comme si c’était les appartements de vieux copains. La nostalgie est puissante dans les rues familières. Tout a changé et c’est toujours chez moi.

J’essaie en quelques sortes de rattraper ces choses que je n’ai pas faites pendant que j’étais étudiant : la librairie Meura donc, mais aussi des sorties, des rues familières, des lieux où je ne suis que trop peu allé. J’ai mis les pieds au tripostal, pour une expo organisée par la fondation Cartier. Je suis toujours stupéfait par le culot des grandes fortunes et des parrains de l’art contemporain qui lancent des expos hypocrites sur l’écologie et le vivant. L’expo, Les Vivants, était pourtant très belle. Il y a de quoi être subjugué par la beauté de ce film très violent de Artavazd Pelechian, par la fresque de Cai Guo-Qiang, et surtout par les toiles psychédéliques et hallucinées de Jaider Esbell, disparu l’année dernière.

Après une année à travailler dur pour être payé peu, j’ai un poste permanent en temps plein à la collection Pinault – Bourse de Commerce. Alors je profite de ces quelques jours dans le nord comme une première récompense, comme quelque chose que j’aurais désespérément mendié. J’ai encore plein de choses de prévu (le LAM à Villeneuve d’Ascq, un tour par la Piscine à Roubaix), et c’est comme si je me sentais coupable de ne pas avoir foutu les pieds dans ses institutions quand j’en avais l’occasion, comme si je profitais de ce voyage pour rattraper les années. Et ensuite, repartir définitivement à Paris une fois que j’ai buté les fantômes. Tying up loose ends.