Humeur, 4 juillet 2020

Comme une étape de franchie.

Non plus “humeurs de mémoire”, car le mémoire est achevé. Après des mois de travail, parfois même de dur labeur, j’ai enfin achevé ce travail de recherche sur la mise en musée, en patrimoine, et à terme la mythification des icônes de la musique rock. Et ce travail a été couronné de succès, en témoigne une soutenance triomphante et une évaluation qui m’a coupé le souffle. Bon, il me reste des bouts de syndrome de l’imposteur : songeant à le verser à la Cité de la Musique, voir à le publier dans une forme remaniée, je ne peux m’empêcher d’y retrouver des tas de fautes, d’étourderies ou de petites erreurs de jugement. Mais je ne bouderais pas non plus mon plaisir : j’ai désormais effectué un travail de recherche, un travail pertinent, qui aura été une nouvelle pierre, et pas des moindres, à ma formation intellectuelle. Décidément, ce n’est pas rien.

Voici donc venu le temps des vacances à proprement parler. Elles ont cette année quelque chose de particulièrement plaisant, et si je vais sans doute me lancer dans un affreux job d’été “alimentaire” d’ici la fin du mois, je profite. Déjeuners sur le balcon, plongeon dans la lecture (joie de retrouver sa bibliothèque après trois mois de confinement), sorties avec des amis, rendez-vous divers… J’ai déjà dit, je crois, que je vivais dans une sorte de fantasme de la vie de jeune adulte, abreuvé par tous les fantasmes de la vie étudiante et du jeune intellectuel. Et bien, ce n’est pas tout à fait ça, mais ça y ressemble un peu. Je pourrais vivre peut-être pas toute une vie, mais du moins une éternité, à lire ce récit de vie signé Pierre Michon, en écoutant Steve Reich ou Arab Strap. Car enfin, je lis autre chose que des sciences humaines. Je viens de finir la lecture de Je hais les matins de Jean-Marc Rouillan, un récit décousu et sombre, où se mêlent vie carcérale, anecdotes de guérilla, fantasmes de liberté. Ensuite, il y a la Vie de Joseph Roulin, de Michon, donc, et ensuite pourquoi pas ce recueil de textes de Leonard Cohen, qu’une amie m’avait ramené de Londres.

Je n’oublie pas non plus ce qui se profile prochainement bien sûr : le séjour en Touraine avec les copains/copines, le travail que je sens déjà harassant et terrifiant, la candidature en M2 Histoire Publique pour laquelle je n’ai pas encore de nouvelles et qui m’inquiète… Je crois que je ne sais pas vivre sans avoir en permanence en tête l’angoisse du futur. Je n’arrive pas tout à fait à y échapper. Et ces inquiétudes ne sont pas que centrées autour de mon nombril : que va-t-il se passer maintenant? Je ne peux pas me réjouir de la vague verte récente, que je vois comme un prélude à une infiltration des cerveaux, on forme les braves gens à voter pour la plus belle des alternatives alors qu’on vote pour le moindre mal, qui est déjà un mal (et qu’on vote, déjà, quelle idée). Je me souviens du diplo, qui, il y a quelques années, à propos de Glucksmann, titrait “Un autre Macron est possible”. J’espère qu’ils n’avaient pas raison, qu’ils se soient trompés de cibles ou non.

Et il y a toujours Walter Benjamin. Des fafs quelconques veulent salir sa mémoire à Perpignan. Pendant ce temps, je feuillette Sur le concept d’histoire, chaque ligne que je lis me bouleverse, je veux lire ce texte d’une traite une fois que j’aurais bravé la préface pénible de Patrick Boucheron. Je crois bel et bien avoir ouvert un fossé, un gouffre que je ne pourrais jamais combler.

J’espère écrire un peu plus, prochainement : à chaque fois qu’une idée me vient en tête, c’est au cœur de la nuit, juste avant de tomber dans le sommeil. Et Music For 18 Musicians résonne derrière, avec son air de gamelan et ses airs de marimba.